RH sous tension


Par Marie Lakanal
Depuis l’annonce de nouvelles mesures protectionnistes américaines, les entreprises européennes évoluent dans un climat de tensions commerciales inédit. Si les décisions se prennent à Washington ou Bruxelles, leurs répercussions se vivent dans les bureaux RH. Recrutements gelés, plans suspendus, incertitude généralisée : les directions des ressources humaines sont en première ligne. À elles de maintenir la cohésion, d’anticiper les chocs et de piloter la transformation dans la tempête.


Les répercussions économiques de la guerre commerciale sur les entreprises européennes
L’escalade protectionniste déclenchée par l’administration Trump se traduit par une hausse brutale des droits de douane sur de nombreux produits importés, en particulier dans les secteurs technologiques, industriels et agricoles. L’Union européenne a riposté par des mesures de rétorsion, fragilisant encore davantage l’équilibre des échanges mondiaux. Résultat : des chaînes d’approvisionnement déstabilisées, des coûts de production en hausse et des marges commerciales sous pression.
Selon Euronews, les négociations entre Bruxelles et Washington ont échoué à aboutir à un accord « zéro droits de douane » début avril, alimentant l’incertitude économique de part et d’autre de l’Atlantique. Pour les entreprises européennes, cette situation signifie des ajustements parfois immédiats : revoir leurs partenariats, réorienter leurs exportations, voire repenser entièrement leur modèle économique pour limiter leur dépendance aux marchés américains.
Dans ce climat d’instabilité, les décisions stratégiques sont reportées, les investissements différés, les prévisions de croissance revues à la baisse. Pour les DRH, cela se traduit par des gel des embauches, des ajustements de masse salariale ou encore des reconfigurations d’équipes projet.
Le rôle stratégique des RH face à l’incertitude
Dans ce contexte, les directions RH ne peuvent plus se limiter à une gestion administrative ou opérationnelle. Leur rôle s’élargit : elles deviennent les architectes de la résilience organisationnelle. La première mission, essentielle, consiste à maintenir un climat de confiance. Cela passe par une communication interne claire, honnête, régulière — même quand les réponses sont partielles ou les perspectives incertaines. Mieux vaut dire ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas encore, et ce que l’on anticipe.
En parallèle, les RH doivent adapter les stratégies de développement des compétences. La guerre commerciale impose des virages rapides : il faut former vite, requalifier en interne, ou réallouer les ressources humaines en fonction des zones géographiques et des lignes d’activité les plus stables. Les programmes de formation classiques laissent place à des dispositifs courts, ciblés, orientés “survie stratégique”.
Enfin, l’engagement des collaborateurs devient un indicateur clé. Dans une période marquée par l’anxiété économique, la peur du déclassement ou de la restructuration, maintenir l’alignement des équipes avec les objectifs de l’entreprise est un défi de taille. Cela implique de revaloriser les managers de proximité, d’intensifier l’écoute active, et d’intégrer davantage les RH dans les comités de pilotage stratégique.
Anticipation et gestion des risques RH
Quand l’environnement devient instable, l’anticipation cesse d’être un luxe : elle devient une nécessité. Pour les directions RH, cela suppose de développer une véritable culture de la gestion des risques, souvent sous-estimée dans les fonctions humaines. L’un des leviers clés est l’élaboration de scénarios prospectifs : que faire si les tensions commerciales s’intensifient encore ? Si une zone géographique devient inopérante ? Si l’entreprise doit ajuster rapidement ses effectifs ?
Ces scénarios ne doivent pas rester théoriques. Ils doivent être traduits en plans d’actions clairs : mobilité interne accélérée, gel ou report des recrutements, recours à des compétences externes en mode agile, ajustement des avantages sociaux selon les régions, etc.
La flexibilité devient également une valeur cardinale. Dans de nombreuses entreprises, cela passe par une structuration plus souple des équipes, une montée en puissance des modèles hybrides, ou la mise en place de dispositifs d’ajustement temporaire de l’activité, en lien avec les partenaires sociaux.
Enfin, la veille réglementaire s’impose comme une mission stratégique. Dans un contexte de reconfiguration des relations commerciales, notamment entre l’Europe et les États-Unis, il est essentiel pour les RH de suivre les évolutions juridiques — sur les contrats internationaux, les obligations de conformité, ou encore les régulations sur les transferts de données. Cette dimension, longtemps réservée aux directions juridiques, devient désormais un terrain commun à explorer ensemble.

Loin d’être un simple spectateur des bouleversements économiques actuels, le département RH se révèle être un acteur décisif de la navigation stratégique des entreprises. Face aux turbulences géopolitiques, les ressources humaines deviennent un levier de continuité, d’anticipation et de transformation.
Il ne s’agit plus seulement de gérer les compétences, mais de piloter des trajectoires humaines dans un monde mouvant. Dans cet écosystème incertain, les directions RH doivent conjuguer réactivité et lucidité, s’appuyer sur des données fiables, écouter leurs collaborateurs et oser redéfinir leurs pratiques.
Ce contexte, aussi exigeant soit-il, est aussi une opportunité : celle de repositionner les RH au cœur du pilotage stratégique. Car dans la tempête, les fonctions humaines ne sont pas seulement un soutien. Elles sont un cap.

Par Marie Lakanal
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